Un jour, un ronron...
On ne s'y fait pas. On a beau avoir déjà socialisé quelques chats ou chatons, le premier ronron est toujours vécu comme un moment d'une grande intensité, même si l'origine ou la signification ne sont pas toujours les mêmes et ne doivent pas s'interprêter de la même façon.
Lorsque Polochon est arrivé ici, chacune de mes incursions sur son territoire était pour lui synonyme de repli. Sous le lit, bien sûr, là où il se savait inaccessible. Dans un coin et à même le carrelage d'abord. Puis au bout d'une semaine, installé sur son petit plaid. Avec le temps, ces incursions, associées à l'arrivée de mets susceptibles de flater le palais de Monsieur Chat avaient fini par être accueillies avec un intérêt plus marqué. Pendant quelques jours, seules dépassaient les pattounes...
Et puis, Polochon a osé plus que les pattounes... On voit mieux comme ça non ?
Il est vrai que Polochon était tombé chez un affreux bourreau de chats. Un de ceux qui font comprendre très vite que s'il veut autre chose que des croquettes, il doit sortir de sa cachette, venir à découvert, vaincre ses peurs, manger en présence du bipède s'il ne veut pas voir repartir en cuisine l'assiette aux mets succulents, et de plus en plus prêt, chaque jour un peu plus. Pour cela il a aussi fallu un deal : la promesse du bipède de ne jamais chercher à le toucher, de ne jamais tenter à poser la main sur lui.
Depuis deux jours, Polochon ne se contente plus de venir manger au moment convenu. Il avait déjà commencé à sortir dès l'arrivée du bipède et à lui parler avec des petits miaou tout timides. Mais désormais il accueille le bipède avec des roucoulements et des ronrons, avec des petits tours sur lui même où il exhibe bien volontiers les deux plus beaux attributs de sa virilité : pauvre bonhomme s'il savait ce qui l'attend encore !
Et si ce sachet fraîcheur est trop long à s'ouvrir, Polochon vient donner des coups de tête sur les mains pour accélérer le service.
Je ne me trompe pas dans la signification de ces premiers ronrons. C'est aux sachets fraicheurs ou au blanc de poulet qu'ils sont destinés et non pas à mes velléités très humaines de calins... D'ailleurs quelques coups de patte particulièrement lestes sont venus me rappeler aux termes de notre contrat...
Ce matin, ce n'était pas l'heure de la gourmandise. Juste celui des croquettes. Mais ce matin, c'était lui qui cherchait le contact et laissait se poser, très subrepticement, ma main sur son dos, signalant ainsi que le temps d'un nouveau contrat était venu...
Bien sûr, ce nouveau contrat sera en place dès ce soir ou demain. Mais d'autres que moi peuvent désormais y prétendre. Bien sûr, Polochon n'est pas encore prêt pour être adopté par un adoptant lamda. Mais il n'ira jamais chez un adoptant lambda. En revanche, il est prêt à être accueilli par SA FAMILLE, amoureuse inconditionnelle des chats, afin qu'il ne s'habitue pas trop ici, afin que je ne m'habitue pas trop non plus à ce chat venu de nulle part, passé par une cage du couloir de la mort, mais déjà, tellement attachant de part sa tendresse et son innocence...